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Etant de culture musulmane (par mon père) et un peu chrétienne (par ma mère), je suis un hybride inter-civilisationnel et une chimère bâtarde... Après avoir longtemps été athée, je crois depuis quelques années en la notion de Dieu, un Dieu qui transcende les religions (c’est ce qu’on appelle communément le déisme). J’ai été imprégné de deux religions et de deux cultures, ce qui m’a inéluctablement amené à relativiser les pensées, les dogmes et les idées. Ce qui semblerait aller de soi dans un lieu et dans un temps donné peut paraître totalement incongru ailleurs ou en d’autres temps. Les religions représentent pour moi le lien suprême qui assure la cohésion des hommes au sein d’une société donnée, en d’autres termes elles cristallisent l’identité des peuples. Ceux qui s’écartent de la pensée orthodoxe sont voués à être rejetés et parfois bannis par le reste de la communauté. Ce fut dans le judaïsme le cas de ceux qui revinrent périodiquement à l’idolâtrie et celui des premiers Chrétiens qui rejetèrent des dogmes de la loi mosaïque. Ce fut le cas dans le christianisme de tous ceux qu’on persécuta pour leurs hérésies (Ariens, Cathares, Monophysites, etc.) ou leur libre pensée et que l’on voua à l’excommunication ou au bûcher. Ce fut le cas en islam des Shiites et des Khaouarij et de tant d’autre. Aucune religion n’est plus tolérante qu’une autre avec ses contradicteurs. Chaque religion a néanmoins quelque chose de bon en elle sinon personne ne l’aurait suivie, mais même s’il y a toujours matière à redire dans les textes (la loi du talion et le massacre des Cananéens chez les Juifs, l’homophobie de Jésus et certains textes misogynes de St-Paul, la violence faite aux idolâtres arabes et aux Juifs par Mohammed) ceux-ci ont toujours plusieurs interprétations possibles, plus ou moins violentes, plus ou moins contestables, mais qui saurait une fois pour toute déclarer quelle voie juste serait à suivre, assurément les plus radicaux (qu’ils soient libéraux ou intégristes).
Une forme de religion peut aussi exister sans Dieu... Elle connaît de même des célébrations et des personnages sacrés ainsi que des dogmes, si chers à l’Homme car quand la religion disparaît celui-ci la réinvente. Le communisme qui voyait en celle-ci "l’opium du peuple", à mon sens à juste titre, n’a-t-il pas sacralisé la figure emblématique de Lénine, Marx puis Staline. Des monuments n’ont-ils pas été érigés à leur intention ? Des fêtes possédant toute la pompe des cérémonies de l’Eglise catholique, n’ont-elles pas succédé aux cérémonies de l’Eglise orthodoxe. Même les pays qui ont foi en la laïcité ne participent-ils pas des mêmes mécanismes, car comment les hommes d’une même nation pourraient-ils faire corps s’ils n’avaient en commun un certain sens du sacré ? A chacun sa forme de religion...
En ce qui concerne les caricatures de Mohammed, pourquoi ont-elles provoqué tout ce remue-ménage ? Après tout ce ne sont que de vulgaires images. Pour comprendre ce qu’elles représentent pour un musulman, il faut se placer dans le contexte culturel de celui-ci. La religion musulmane rejetait à l’origine toute représentation d’êtres vivants ainsi que la musique (hormis les percussions). L’image était proscrite car elle imitait la création divine et pouvait surtout être source d'idolâtrie (n’oublions pas que l’islam est né dans une terre païenne). La musique l’était aussi car elle accompagnait les cérémonies faites en l’honneur des anciennes divinités. Les temps ont évolué et la musique a été autorisée ainsi que la représentation d’être vivants, mais un seul tabou a persisté de nos jours : la personne du prophète. Si l’on feuillette d’ancien livres perses ou turcs, il est vrai que l’on peut voir certaines images du prophète, mais cela était marginal et la représentation de Mohammed reste un des pires sacrilèges qu’un musulman puisse concevoir. Le journal danois qui a publié les caricatures du prophète ainsi que d’autres images islamophobes l’aurait fait en réaction à la mort de Théo Van Gogh le cinéaste hollandais égorgé par un de ses concitoyens de confession musulmane. Il leur aurait été loisible de critiquer le fanatisme de certains musulmans, mais ce journal s’en est pris à la figure emblématique de l’islam et l’a jeté dans la fange. J’ai personnellement téléchargé les images pour me faire ma propre opinion et malgré mon peu de religiosité, j’ai été choqué, non seulement par les caricatures, mais par l’orientation des dessins qui étaient ouvertement islamophobes. Evidemment, je condamne toute la violence qui a eu lieu dans le Moyen-Orient suite à cette affaire, mais cela méritait une réaction, que j’aurais cependant préférée pacifique. Et puis je me suis demandé à qui cela profitait. Cela profite certainement aux terroristes musulmans qui vont pouvoir recruter de nouveaux membres parmi les masses en colères, de futurs kamikazes. Mais cela profite aussi à certains Européens qui vivent mal l’intrusion de l’islam dans leurs frontières et qui seraient bien aisés de voir ces "Mahométans" à la réaction si prévisible disparaître. J’ai entendu Max Gallo parler de politique de l’apaisement à l’égard de l’islam pour ensuite dire que c’est cette même politique de l’apaisement vis à vis du nazisme qui avait conduit à la seconde guerre mondiale et au drame de l’holocauste. Cependant, quand je vois ces caricatures ou bien celle qui circule sur le net où le monde est représenté sous la forme d’une pomme pourrie d’où sort un ver avec la tête de Mohammed, je ne puis m’empêcher de me souvenir des abjects dessins antisémites du début du XXème siècle qui représentaient un Juif au nez crochu entourant le globe de ses bras. Donc je me pose une autre question, est-ce qu’une politique d’apaisement à l’égard de la minorité d’Européens islamophobes ne risquerait-elle pas de conduire dans un avenir lointain à un drame pareil à celui qui a touché les Juifs d’Europe ?
1 commentaires:
Bonjour,
Je lis avec intérêt votre article et, en passant, j'interromps ma lecture, interloqué par "l'homophobie de Jésus" à laquelle vous faites allusion: je n'en avais jamais entendu parler, et serais intéressé pour, si vous le voulez bien, connaître vos sources.
Par ailleurs, avez-vous lu ce fantastique roman qu'est "La colère de l'agneau", de Guy Hocquenghem? Un chef-d'oeuvre de la littérature française contemporaine, où il est question de Jean, disciple préféré de Jésus, et de la force de leur relation, d'une intimité presque fusionnelle (n'attribue-t-on pas à ce dernier d'avoir dit à sa mère, alors qu'il agonisait sur la croix: "considère-le comme ton fils"?).
Quoi qu'il en soit, pardon d'insister sur un détail, dont l'élucidation satisferait toutefois ma curiosité, et bravo pour votre blog, qui la suscite et l'encourage.
Bien à vous,
Jérôme Cormier, Paris
lcdcparis@gmail.com
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